Appréciation critique de l'initiative sur l'or

Fin novembre 2014, les citoyennes et citoyens suisses voteront sur l'initiative «Sauvez notre or suisse». Cette initiative demande que la Banque nationale suisse (BNS) détienne en or au moins 20% de ses actions et qu'elle conserve cet or physiquement en Suisse. L'association Modernisation Monétaire (MoMo), qui a lancé l'initiative 'Monnaie pleine' en juin dernier, est d'avis que l'initiative sur l'or ne conduit pas au but visé pour différentes raisons. Une restriction de la capacité d'action de la BNS est indésirable.

L'initiative 'Monnaie pleine', par contre, peut être mise en œuvre, avec ou sans l'initiative sur l'or, et elle est efficace et reste urgente.

Toutes les deux initiatives ont ceci en commun qu'elles veulent rendre le système financier plus sûr et le franc suisse plus stable. L'initiative sur l'or traite un problème secondaire, et les raisons de l'insuffisance du système d'étalon-or sont évidentes dans la pratique de la politique monétaire. D'une part, le fait que les quantités d'or sont limitées au niveau mondial et qu'elles n'existent que marginalement dans le sol suisse mènerait à une limitation rigide de la masse monétaire, ce qui ne répondrait pas aux besoins de l'économie. L'augmentation de la masse monétaire suisse ne serait possible que si l'on achetait préalablement de l'or à l'étranger. D'autre part, le prix de l'or subit de grandes fluctuations, si bien que la couverture d'or ne se prête que mal à la stabilisation d'une monnaie. Et puis, la question est de savoir pourquoi juste une couverture partielle de 20% suffirait pour garantir la sécurité et la stabilité du franc suisse. En outre, la couverture d'or de 20% ne concerne que les actifs de la Banque nationale, actifs dont le volume est beaucoup plus petit que celui de la monnaie scripturale créée par les banques commerciales. Comme tout notre argent déposé sur des comptes bancaires n'est qu'une telle monnaie scripturale, une couverture d'or auprès de la Banque nationale ne produirait guère une sécurité supplémentaire pour les client(e)s des banques commerciales.

Toutes les deux initiatives ont également en commun la conviction que l'évolution de la masse monétaire a besoin d'un ancrage fiable. Cependant cet ancrage ne peut pas consister en une quantité d'or évaluée en partie par une spéculation internationale, mais plutôt en un mandat clair que la loi impose à une banque nationale indépendante. En substance, ce mandat existe déjà avec l'obligation de stabiliser les prix en tenant compte de l'évolution conjoncturelle, mais les initiateurs de la monnaie pleine sont d'avis que désormais la Banque nationale ne dispose plus que d'instruments insuffisants pour atteindre ce but, car il est évident que dans le système actuel, où environ 90 pour cent de la monnaie en circulation est créée par le secteur bancaire privé, la Banque nationale ne peut plus contrôler la masse monétaire. Pour permettre à nouveau à la Banque nationale d'exercer ce contrôle, l'initiative 'Monnaie pleine' demande que seule la Banque nationale soit autorisée à créer de la monnaie.

En cas d'acceptation de l'initiative sur l'or, le privilège actuel de la création monétaire expansive des banques, lequel n'est pas démocratiquement légitimé, resterait inchangé. Sous l'angle de la politique monétaire, l'initiative sur l'or serait un pas en arrière, qui repose essentiellement sur le mythe de l'or. L'histoire monétaire démontre que le système d'étalon-or ne pouvait pas garantir la sécurité de la monnaie. Dans l'entre-deux-guerres, la parité-or a provoqué la ruine économique. Au milieu des années 70, Bretton Woods a également échoué avec son rattachement indirect à l'or par le biais du dollar. Pour toutes ces raisons, l'association Modernisation Monétaire considère l'initiative sur l'or comme une mesure inappropriée pour une monnaie stable et sûre.

(Décision prise le 4 novembre 2014 par le comité directeur de l'association Modernisation Monétaire)